Chantiers-école 2021 :
les structures maritimes submergées des Laurons et Laurons XI
Si les chantiers-école 2020 avaient dû être annulés suite au premier confinement et à la pandémie, cette année, nous avons pu maintenir et réaliser les deux chantiers !
Succédant au chantier M1 du port antique de Fos-sur-Mer, nous nous dirigeons cette année dans la partie orientale du Golfe de Fos pour reprendre l’étude du port romain de l’anse des Laurons (Martigues) ! Pour continuer dans la nouveauté, le chantier M2 consacré à l’étude architecturale d’une épave moderne ou contemporaine ne portera pas sur l’épave de Paragan mais sur l’épave des Laurons XI, également située, comme son nom l’indique, dans l’anse des Laurons.
Comme la promotion 7 n’avait pu participer au chantier-école de première année qui se concentre sur l’étude de structures portuaires et/ou littorales submergées, une petite réorganisation était de mise !
Par conséquent, après deux semaines de travail sur l’épave Laurons XI puis une semaine de repos, les étudiants de deuxième année sont revenus dans l’anse des Laurons pour prendre part au chantier portant sur les trois opérations simultanées du Quai E, de la Digue Sud et du dépotoir N ainsi que la prospection des épaves antiques de la baie. Après quinze jours à jongler entre ces différents sites, les étudiants de première année (Promotion 8) sont venus prendre la relève !
Chantier-école Les Laurons : structures maritimes submergées
Rédigé par : Promotion 7
Première semaine :
Lundi 17 mai 2021
Première journée de ce deuxième chantier école dans l’anse des Laurons. Il y a deux opérations distinctes : le Quai E et le dépotoir N, chacune fouillée respectivement par une équipe composée d’étudiants et d’encadrants.
Une palanquée a réalisé une prospection autour de la digue et dans le dépotoir afin de faire un état des lieux du site. La digue est à la fois composée de blocs rectangulaires de gros modules ainsi que de moellons en pierres. Une grande quantité de mobilier archéologique a été observé dans le secteur Est de la digue, essentiellement une grande concentration de céramique de surface reposant sur une US de matte. Il s’agit du dépotoir !
La deuxième partie de l’équipe a quant à elle réalisé une prospection dans la zone du quai. Environ une dizaine de pieux en bois ont été marqués, ils semblent alignés. Le nettoyage du quai a été entrepris sur l’une de ses extrémités en vue de la couverture photogrammétrique.
Prospection Quai E [L.Roux (CNRS, CCJ)]
Mardi 18 mai 2021
En cette deuxième journée de chantier, nous avons eu le plaisir de recevoir le navire support du DRASSM : le Triton. Les deux chantiers ont pu avancer sans difficulté. La partie sud du Quai E a été nettoyée par plusieurs palanquées dans le but de rendre la structure lisible. Nous avons aussi effectué quelques croquis de la structure afin d’en avoir une première documentation.
Concernant le dépotoir N, de nouvelles prospections ont été réalisées afin d’observer les limites de la digue dans le but de comprendre la connexion entre celle-ci et le dépotoir. Les prospections ont été également entreprises afin de déterminer une zone pour l’implantation d’un sondage. Nous avons découvert dans deux zones distinctes des pièces de bois sortant à peine du sable. Des traces d’assemblages sont visibles. Leur étude sera approfondie lors de futures plongées. Par ailleurs, plusieurs blocs entassés ont été découvert plus au Nord. Enfin, nous avons déterminé où implanter le sondage, soit à l’extrémité de la matte.
Prospection Dépotoir N [L.Roux (CNRS, CCJ)]
Mercredi 19 mai 2021
Des rafales d’environs 30 nœuds ont empêché le Triton de sortir du port. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur la fouille du quai. En effet, cette partie de l’anse des Laurons étant bien protégée du vent du Nord-Ouest, les plongées n’ont pas été impactées. Le travail de nettoyage du quai E a donc bien avancé. Les deux tiers de la structure sont nettoyés et nécessite seulement un travail de finition avant le passage de notre photographe. Nous espérons pouvoir nous rendre sur le dépotoir demain afin de poursuivre l’implantation du sondage.
Nettoyage Quai E [L.Roux (CNRS, CCJ)]
Jeudi 20 mai 2021
Malgré l’absence du Triton, la fouille du dépotoir N a démarré. L’objectif est alors de mettre en place deux sondages de 4m², le premier sur le côté Est de la digue dans le dépotoir N, le deuxième plus au Sud au niveau de la matte de posidonies. La première palanquée a donc installé les sondages et a commencé le nettoyage de surface. Une grande quantité de céramiques a été prélevée notamment des casseroles Hayes 197 et leurs couvercles 196, des amphores africaines et gauloises… Nous attendons désormais la venue du Tomoo Mukai (CNRS, CCJ) afin de nous guider dans l’inventaire et l’identification des céramiques.
En ce qui concerne le quai E, le nettoyage a été continué et les pierres situées à la base de la face Sud de la structure, gênant sa lecture, ont été déplacées. Un des blocs présentant une saignée a nécessité l’utilisation de plusieurs parachutes de levage pour son déplacement. Nous devons réitérer le même travail pour le second bloc situé sur la face nord.
Fouille du Dépotoir N [L.Roux (CNRS, CCJ)]
Vendredi 21 mai 2021
Toujours dans le but de déterminer les limites de la structure du quai, le nettoyage des moellons et des blocs s’est poursuivi activement ainsi que l’épierrage de la structure. Des observations complémentaires doivent encore être réalisées sur les premières assises qui commencent à apparaître afin de mieux appréhender les techniques de construction.
Également, des prélèvements xylologiques ont été réalisés sur 23 pieux par notre spécialiste xylologue Alba Ferreira Dominguez (AMU, CCJ), dans le sud-est du quai. D’après les premières observations, la plupart des bois utilisés semblent être des résineux.
Enfin, nous avons eu le plaisir de recevoir Tomoo Mukai (CNRS, CCJ), qui a effectué une première identification du mobilier céramique – il s’agit essentiellement de céramique africaine- ainsi qu’un inventaire préliminaire du mobilier céramique. Nous avons par conséquent pu préciser la chronologie du matériel provenant des deux sondages du dépotoir N.
Premier inventaire des céramiques de surface du Dépotoir N [L. Roux (CNRS, CCJ)]
Deuxième semaine :
Mardi 25 mai 2021
Après quelques jours de repos, l’équipe rejointe par Pierre Poveda (CNRS, CCJ) et Sabrina Marlier (MdAA) s’est retrouvée au DRASSM pour préparer une nouvelle semaine de fouille aux Laurons. En effet, nous travaillons désormais sur trois opérations portant respectivement sur le Quai E, la Digue Sud et le dépotoir N ainsi que sur une prospection des différentes épaves antiques reposant au sein de l’anse des Laurons.
Parmi les objectifs de la journée, il nous faut prospecter la zone du dépotoir pour repérer les épaves Laurons 1, 2 et 10 d’après les points GPS connus. Plusieurs fragments de bois pouvant appartenir aux épaves antiques ont ainsi pu être observés et balisés. Les blocs architecturaux caractéristiques de L10 ont été retrouvés.
Dans le même temps, deux sondages ont été implantés au niveau du parement sud et à l’extrémité Est du quai E. Ceux-ci permettront de mieux comprendre l’architecture du quai, ses méthodes de constructions et surtout d’analyser la stratigraphie afin d’obtenir des éléments de datation. Dans le cadre du relevé topométrique, plusieurs points d’appuis ont été installés mais le vent se levant en début d’après-midi, les conditions n’étaient pas idéales et, par conséquent, le levé a été reporté.
Frédéric Marty (PIPC), céramologue spécialiste des productions antiques est venu étudier les tessons issus des sondages du dépotoir et a pu faire profiter l’équipe de son expertise. Il a ainsi pu caractériser une série de fragments de céramiques remontant aux environs du IIIe siècle de notre ère.
Mise à l’eau des étudiants s’apprêtant à fouiller les sondages du Quai E [L. Borel (CNRS, CCJ)]
Mercredi 26 mai 2021
La journée commence par la prise de points topographiques qui permettront de géolocaliser les vestiges notamment dans le cadre d’un Système d’Information Géographique qui va être établi à l’issue de la phase de terrain. C’est une étape incontournable dans le cadre de la documentation du site. La manœuvre est la même qu’en terrestre, mais l’environnement subaquatique rend la tâche un peu plus compliquée. Heureusement, le plan d’eau était calme et c’est donc sans problème que la tâche a pu être effectuée.
Pour continuer la fouille, l’équipe s’est divisée en deux. Sur le quai E, les deux sondages ont été continués afin d’étudier l’appareillage de la structure. Le nombre d’assises, la présence de bois ou encore l’évolution de la stratigraphie sont autant de paramètres à prendre en compte pour comprendre ce vestige.
La seconde partie de l’équipe se concentre sur le dépotoir où les sondages implantés la semaine dernière sont désormais fouillés avec l’aide de l’aspirateur à sédiment. La mise en place d’un ponton flottant permet d’amener la motopompe directement au-dessus des zones fouillées et facilite beaucoup l’intervention. Ceux-ci sont par ailleurs toujours aussi riches en mobilier !
Levé topométrique des différents sites de l’anse des Laurons [L.Borel (CNRS, CCJ)]
Jeudi 27 mai 2021
Aujourd’hui, trois équipes ont travaillé en simultané sur le Quai E, le Dépotoir N et la prospection des épaves antiques.
Dans le cadre de la prospection des épaves antiques, les efforts se sont concentrés dans la localisation de l’épave des Laurons II, épave célèbre pour son étonnante conservation qui fut fouillée dans les années 90, ainsi que dans l’expertise du « Bois 2 », précédemment trouvé dans le Dépotoir N. Ce dernier fut nettoyé et marqué : les chevilles sont mises en avant par des punaises blanches, les gournables par des punaises jaunes et la jonction entre les virures par des cavaliers. Il s’agit très certainement d’un élément de charpente axiale présentant deux niveaux de tenons et mortaises disposés en quinconce. Une photogrammétrie sera bientôt réalisée pour le documenter !
Expertise du “Bois 2” [L. Roux (CNRS, CCJ)]
En ce qui concerne Laurons II, cette dernière fut retrouvée après un après-midi passé à prospecter l’anse en palmes, masque et tuba. Les sacs bleus disposés comme moyen de protection par la dernière équipe de fouille dirigée par Patrice Pomey (CNRS, CCJ) et Frédéric Guibal (CNRS, IMBE) sur l’épave, ainsi que ses pourtours bien visibles, ont permis son identification.
A l’aide d’un ponton flottant sur lequel nous disposons les motopompes, nous avons pu poursuivre la fouille du sondage 1 du Dépotoir N. Nous sommes toujours dans l’US3 dont le mobilier est prélevé systématiquement. Comme à chaque fin de plongée, la caisse de mobilier est remontée à la surface à l’aide d’un parachute de 30 litres !
Levage à l’aide d’un parachute d’une caisse de mobilier [L. Roux (CNRS, CCJ)]
Enfin, sur le Quai E, nous avons continué la fouille du sondage 2 qui se situe à l’extrémité Est de la structure. Sous les moellons, du bois a été mis au jour ! Ce dernier est similaire à celui observé dans le sondage 1, interprété comme un caisson par M. Moermann dans les années 1990.
Extrémité Est du Quai E : sondage 2 [L. Roux (CNRS, CCJ)]
Vendredi 28 mai 2021
Pour ce dernier jour, nous travaillons sur deux sites : Laurons 13, anciennement « Bois 2 » et le Quai E. En parallèle, une équipe s’efforce de terminer l’inventaire du mobilier céramique remonté du sondage 1 du Dépotoir N.
Une couverture photographique en vue de réaliser une photogrammétrie a été effectuée sur Laurons 13. Suite à cela, des prélèvements xylologiques ont été réalisés.
Pour le Quai E, les étudiants se sont exercés au croquis de coupes stratigraphiques ! Cependant, l’essentiel des palanquées a rempli de sable des sacs en toile de jute. Ces derniers furent ensuite disposés dans les sondages afin de les protéger –et particulièrement les éléments en bois- pour le weekend.
Il s’agit du dernier jour du chantier-école pour les étudiants M2… La semaine prochaine, les étudiants de première année assurent la relève !
Préparation au passage du photographe pour réaliser la photogrammétrie [L. Roux (CNRS, CCJ)]
Rédigé par : Promotion 8
Troisième semaine :
Lundi 31 mai 2021
Cette semaine c’est au tour des étudiants de première année du master de prendre part au chantier-école. Etant donné les conditions météorologiques et la faible visibilité dans l’anse des Laurons, cette semaine l’équipe a fait le choix de se concentrer sur les sondages du Dépotoir N et la prospection d’épave (notamment sur les Laurons 10), au détriment du Quai E. En effet il nous reste la photogrammétrie à réaliser qui nécessite un plan d’eau calme et une eau claire.
La première journée sur le chantier se résume par la découverte du site par les nouveaux arrivants. Des palanquées de trois-quatre plongeurs s’organisent. Les étudiants prennent connaissance du Quai E, de plusieurs épaves (Laurons 9, Laurons 2, Laurons 12 et Laurons 13), de la Digue Sud et des deux sondages effectués dans le Dépotoir N.
Au cours de cette journée les étudiants ont pu se familiariser avec l’organisation du chantier qui est une première pour un bon nombre d’entre eux.
L’anse des Laurons, partie Sud, vue par drone [L. Borel (CNRS, CCJ)]
Mardi 1er juin
La journée s’organise en deux équipes distinctes. L’une a pour objectif de reprendre le travail de fouille sur le sondage 1 du Dépotoir N. Les étudiants travaillant sur ce site se familiarisent avec l’installation des suceuses et apprennent à les utiliser correctement. De nombreux tessons de céramique, quelques fragments d’os et diverses concrétions ferreuses sont mis au jour dans les différentes unités stratigraphiques, puis remontés et inventoriés.
Quant à la seconde équipe elle se prépare à prendre le Triton pour approcher le site des Laurons 10. Cependant les conditions météorologiques ne sont pas propices à la navigation, le vent est trop fort. Elle rejoint donc la base de fouille et modifie ses objectifs journaliers pour une mise à l’eau depuis le bord. Loïc Damelet (CNRS, CCJ) étant présent sur le site, l’équipe des Laurons 10 réalise un test de photogrammétrie qui se révèle infructueux (visibilité faible et thermocline), mais sera plus concluant concernant les vestiges de l’épave des Laurons 2. En parallèle est organisé le recouvrement du site des Laurons 13 en vue de le protéger. La venue de Lila Reboul (DRASSM) amène aussi une palanquée à se rendre sur le site des Laurons 2 pour faire un constat d’état et pouvoir améliorer sa protection in situ. En effet les éléments de recouvrement mis en place par l’équipe, dirigée par Patrice Pomey (CNRS, CCJ) et Frédéric Guibal (CNRS, IMBE), ayant fouillé dans les années 90, sont apparents tout comme certains éléments architecturaux essentiellement au niveau de l’extrémité arrière (sur son tribord) et de l’extrémité bâbord avant.
Fouille du sondage 1 du Dépotoir N [L. Roux (CNRS, CCJ)]
Mercredi 2 juin
Ce matin, bonne nouvelle : les conditions météorologiques permettent au Triton de sortir. L’objectif est de réaliser des sondages sur les Laurons 10 en vue de découvrir une probable coque en bois sous les blocs. Deux sondages sont réalisés où malheureusement seulement une couche de matte reposant sur un substrat rocheux et ne comprenant que trois tessons de céramique sont découverts. Divers croquis réalisés enregistrent le travail des palanquées. Lionel Roux (CNRS, CCJ) photographie les différents états des sondages.
La seconde équipe quant à elle continue de fouiller le sondage 1 du Dépotoir N. Quelques pièces remarquables sont mises au jour parmi lesquels un peigne, une coupe en sigillée, des restes carpologiques. Des relevés et des photographies de la coupe stratigraphique sont également réalisés pour documenter l’évolution de la fouille.
Le Triton dans l’anse des Laurons ! [L. Borel (CNRS, CCJ)]
